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Dressage

Dauphins captifs : méthode de dressage

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Les scientifiques considérent aujourd’hui le dauphin comme l’animal le plus intelligent au monde après l’homme.
Du fait de ses capacités cognitives hors du commun, de sa vie sociale extraordinairement complexe, des ses diverses cultures transgénérationnelles, de son empathie à l’égard d’autres espèces, de sa faculté de se reconnaître en tant que "soi" dans un miroir, de son usage d’outils  ou de ses modes de communication encore non décryptés, impliquant un nom propre pour chaque individu (signature sifflée) ou levocal labelling (donner un nom à un objet), certains d’entre eux estiment même que ce mammifère marin devrait accéder au rang de "personne non-humaine" . L’Industrie de la Captivité, en revanche, ne tient aucun compte de ces paramètres et ne traite pas le dauphin autrement que n’importe quel animal de cirque. Ou qu’un chien.
Voici le B-A BA du dressage ordinaire, mené ici dans le meilleur contexte possibles, qui n’est sans doute pas celui du Taiji Whale Museum à Taiji, Japon.  Dans tous les cas de figure, il ne s’agit jamais que d’un conditionnement unilatéral, dont le seul but est d’obtenir l’obéissance. Nous verrons dans un second article ce qui se cache derrière ces aimables propos d’un professeur en dressage…

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METHODE DE DRESSAGE

La partie la plus importante de tout programme de dressage est l’établissement d’une relation de confiance entre l’animal et son instructeur. Celle-ci s’instaure  habituellement grâce à des séances de jeux et de nourrissage. Le dresseur doit rester en permanence attentif à tout signe de comportement indiquant une réaction positive ou négative à cette mise en contact. L’entraînement du jeune dauphin débute généralement lorsqu’il est âgé de 6 et 36 mois.

L’apprentissage se déroule par étapes. C’est ce qu’on appelle la "méthode des approximations" ou "l’apprentissage incrémental".
Le comportement de l’animal est formaté par approximations successives du comportement désiré et convenablement renforcé. On enseigne d’abord aux dauphins à regarder le dresseur avec les deux yeux, au-dessus de la surface.

Ce comportement est appelé "stationnement".
Quand un dauphin voit le dresseur pointer un doigt vers le haut, il doit comprendre que cela signifie : "Regarde ton dresseur !" ou encore : "Attention, je vais te donner un ordre !". Le dressage peut se produire aussi lorsque le dauphin effectue un nouveau mouvement de sa propre initiative.

Ce comportement est toujours associé à une récompense et à un coup de sifflet très aigu, que l’on qualifie de «pont». Il s’agit bien d’un "pont", en effet, car il fait le lien entre le mouvement du dauphin et l’espoir d’une récompense. Le formateur siffle ce signal lorsque le comportement attendu est produit et qu’une récompense peut en découler. Cela signifie aussi pour lui "Viens ici et prends ça !”.
(Note : En l’occurrence, un bout de poisson. Mieux vaut donc que le dauphin ait faim pour augmenter sa motivation)

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Le fait d’associer l’exécution correcte d’un comportement avec une récompense est une étape essentielle dans le dressage du dauphin. L’utilisation d’un dispositif sonore perçu par le dauphin permet à son formateur de créer le "pont" au bon moment. Dans certains cas, cette méthode  peut se révéler inappropriée, notamment si le tour s’effectue à proche distance de l’entraîneur. Dans ce cas, celui-ci peut tapoter légèrement l’animal sur la tête ou lui faire un baiser sur le rostre. Ces actions sont appelées des substituts de renforcements conditionnés.

La récompense doit être modifiée régulièrement, de sorte que son attrait ne diminue pas lorsqu’il est répété. Les comportements adéquats sont immédiatement renforcés afin qu’ils puissent se produire à nouveau. Ces comportements «opportunistes» se produisent souvent entre deux sessions de dressage formelles et doivent être surveillés de près. Chaque session doit par ailleurs être commencée et terminée différemment, afin qu’elle ne devienne pas trop "prévisible", ennuyeuse et démotivante pour le dauphin.

Les premières étapes du dressage par approximations peuvent inclure la mise en place d’une cible artificielle dans l’eau.
Lorsque le dauphin touche par hasard  la cible avec son rostre, une récompense lui est donnée, pour renforcer ce comportement initialement aléatoire.

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Peu à peu, l’exécution répétée de ce comportement relève de moins en moins du hasard jusqu’à ce qu’il devienne conditionné et se produise à chaque fois que la cible est présentée.

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La cible artificielle est alors remplacée par la main de l’entraîneur. Le but de ce remplacement est de conditionner le dauphin à obéir aux signaux manuels pour toutes les demandes futures qui lui seront communiquées.

Une étape importante dans le processus de dressage est de parvenir à faire venir sur commande l’animal captif vers l’entraîneur. Pour un mammifère marin comme le Grand Dauphin de l’Atlantique, l’ordre est donné en frappant l’eau avec la paume ouverte. La vidéo suivante montre cette commande.

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Ici, la monitrice est en train d’enseigner à ses élèves comment utiliser des signaux manuels pour communiquer avec le dauphin. De légères différences dans la position des mains, la hauteur du signal, et la direction dans laquelle le signal est donné, fournissent au dauphin l’information nécessaire sur ce qu’on attend de lui. Ces signaux manuels sont relativement communs à tous les dresseurs de tous les delphinariums.

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Même si un dresseur, formé aux techniques propres à un delphinarium donné, travaille dans un autre établissement où la signification d’un geste de la main n’est pas tout à fait identique, le dauphin se montre généralement capable de s’adapter rapidement à cette différence.

Lorsqu’il dresse un dauphin, le spécialiste doit conditionner l’animal à accepter différents types de contact humain. L’animal est ensuite récompensé pour "ne pas s’être éloigné" de ce contact. La formation doit être effectuée dans une zone ressentie comme positive pour l’animal (comme la "zone de nourrissage", par exemple) afin que celui-ci s’y sente à l’aise.

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Dressage rapide de pseudorques au Japon. A l’aise ?

Les dauphins développent rapidement une relation étroite avec son dresseur.
 La relation est basée sur la confiance que l’animal accorde à l’humain.  Les choses sont donc rendues plus difficiles lorsque d’autres dresseurs travaillent avec le même animal ou que l’entraîneur familier quitte son poste pour rejoindre un autre delphinarium.

Apprendre au dauphin à "présenter" différentes parties de son corps au dresseur constitue un conditionnement de première importance à mettre à place. Il permet en effet de procéder à des examens vétérinaires ou à des collectes de matières organiques.

(Note : Tels que du sang pour les analyses, du sperme pour la reproduction à distance ou le limage des dents des orques. Notons que jusque dans les années 90, il fallait vider le bassin pour accéder au corps de l’animal, ce qui représentait pour lui une expérience traumatisante. Iris à Anvers ne fut ainsi jamais dressée à se soumettre à des examens médicaux. Ci-dessous, au Parc Astérix )

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L’animal doit être désensibilisés au contact physique, mais aussi au bruit ambiant, aux mouvements brusques, etc. Ceci afin que le conditionnement de son comportement puisse demeurer l’objectif principal. La désensibilisation est une phase essentielle dans le processus de dressage d’un jeune dauphin. Le dresseur peut par exemple amener le dauphin jusqu’au bord du bassin et placer ses pieds sous le corps du dauphin.
Comme on le voit sur cette photo, un jeune animal se cabre et répond négativement à cette situation. Dans le cas présent, j’ai été  mordu deux fois au pied par ce jeune dauphin, avant qu’il n’accepte mon contact rapproché. Une fois la désensibilisation acquise, le dauphin est récompensé. Ce processus est répété maintes et maintes fois pour le renforcer.

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L’enrichissement comportemental est une pratique consistant à fournir aux animaux captifs des stimuli environnementaux.
Cette démarche vise à améliorer la qualité de vie des dauphins  en augmentant son activité physique, en réveillant ses comportements naturels et en réduisant son ennui. Les sessions de dressage forment un part essentielle de l’enrichissement comportemental. Cependant, ces formations n’occupent qu’une petite partie de la journée du dauphin. Parmi les autres enrichissements proposés, on utilise divers jouets. Dans cette vidéo, une mère de 8 ans accompagnée de son delphineau sont en train de se distraire avec un ballon de plage. Ces ustensiles leur fournissent une activité plus complexe que le simple fait de nager en rond  dans une piscine. Comment pousser le ballon sur le bord du bassin ? La mère et sa fille montrent leurs compétences à résoudre ce problème.

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Parmi les autres formes d’enrichissement, il faut inclure également le changement d’habitat (déplacement des dauphins d’un bassin à l’autre) et l’accès du public aux animaux. Dans la nature, les dauphins doivent travailler dur pour attraper leur nourriture. Ils doivent aussi se préoccuper de leur sécurité. En captivité, ce n’est pas le cas.

Groups of dolphins, birds and sharks feeding on sardines, South Africa

(Note : Un peu pauvre. Dans certains delphinariums, on fournit même désormais des I-pads et autres gadgets électroniques submersibles pour stimuler encore davantage les capacités intellectuelles du dauphin. Nombre d’expériences scientifiques menées avec ce type d’outils sont accueillies favorablement par les captifs, toujours comme un dérivatif bienvenu à l’ennui profond que la vie en bassin leur impose. Il est bien clair que contrairement à ce que dit l’auteur de l’article, la chasse en groupe ou la défense de son pod n’est pas une corvée pour un dauphin, mais plutôt l’occasion de nouer ou de conforter des liens sociaux avec d’autres individus. Le travail en groupe, avec ce qu’il peut impliquer comme plaisir, est en effet une caractéristique commune aux humains et aux cétacés)

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Les séances de dressage ont également l’avantage de fournir aux dauphins des exercices physiques intenses.
Cela leur permet de rester en bonne santé et de s’adapter aux changements de leur environnement, une condition indispensable à leur survie.

Enfin, l’enrichissement comportemental peut être "inventé" par le dauphin, tout comme les enfants inventent des jeux pour se divertir. L’apprentissage de la sculpture de bulles a été observée chez les dauphins captifs et comme les chez dauphins sauvages. Le cétacé passe son temps à créer et jouer avec les "jouets" qu’il crée sous l’eau avec de l’air plus d’air.

(Note : Qualifier de jeux d’enfants une technique aussi difficile est un peu léger. Il existe chez les dauphins de véritables virtuoses de cet art aquatique, qui suppose un contrôle savant des mouvements de l’eau et de l’air par le biais de coups de sonar. Certains dauphins n’y parviennent jamais et ce sont les matriarches qui l’enseignent et produisent des enchaînements de tores en guirlande d’une rare complexité et d’une grande beauté formelle. Voir à ce propos les recherches de Chris Herzfeld surl’art du tissage chez un orang-outan captifs et le "Funktionlust" qu’il procure)

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Le dressage du dauphin : la faim !

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D’après un article de Helene O’Barry

L’obéissance des dauphins captifs lors des shows est obtenue grâce à une méthode de formation strictement contrôlée qui tire parti de la faim et de la dépendance totale des cétacés vis-à-vis de leurs dresseurs en ce qui concerne la nourriture.

L’industrie de la captivité déclare pourtant de façon répétée que les dauphins adorent sauter au travers de cerceaux ou jouer au basket, et qu’ils le font parce qu’ils aiment ça.

Par exemple, le delphinarium de Kolmarden en Suède décrit son spectacle comme «une brillante performance qui ne laisse douter personne de la bonne forme et du plaisir des dauphins pendant les shows. Ils sautent avec bonheur au travers des cerceaux et jouent au ballon avec enthousiasme. Les dauphins vont même jusqu’à chanter et à danser!"

La dresseuse Susanne Adolfsson en rajoute encore à cette image d’Épinal, en déclarant que les dauphins «aiment chaque minute de leur spectacle".

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L’illusion qui fait croire qu’un dauphin en plein show est un dauphin heureux est rendue possible en grande partie par les brillants décors de théâtre du spectacle. L’eau du bassin est d’un bleu magnifique, la musique joue gaiement , et les dauphins sourient toujours lorsqu’ils sautent, jouent au ballon et tirent derrière eux leurs dresseurs – toujours souriants, eux aussi – pour un tour de bassin à grande vitesse.

Quand le spectacle s’achève et que la musique s’arrête, les spectateurs rentrent chez eux le cœur léger. Ils se sont bien amusés, car ils ignorent fort heureusement la véritable nature de ce spectacle dont ils viennent d’être les témoins.

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Le fait est que les dauphins sont d’abord et avant tout des animaux sauvages.
Leur répertoire comportemental n’inclut pas le fait de jouer au basket, de marcher sur l’eau avec sa caudale, de faire des bruits comiques ou de danser du rock. Afin d’apprendre aux dauphins à effectuer des tours de cirque aussi insensés, l’entraîneur doit s’assurer d’un contrôle total sur ses animaux. L’obéissance s’obtient aisément en profitant de la situation d’impuissance des captifs: ceux-ci dépendent en effet totalement de leurs gardiens pour s’alimenter.

Une fois que les dauphins affamés ont accepté de manger du poisson mort, le dresseur leur fait comprendre qu’ils n’en recevront que s’ils effectuent exactement le comportement souhaité. Eclabousser la foule, se déplacer sur la queue en marche arrière, lancer des ballons aux enfants, tout cela mérite une récompense. C’est-à-dire, un poisson. C’est ainsi que des comportements anormaux sont renforcés chez le dauphin.

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Sea World décrit l’utilisation du contrôle alimentaire en ces termes :
"Nos entraîneurs font usage de la nourriture comme renforçateur primaire au cours du processus de dressage. Ce renforcement positif permet à l’animal de savoir s’il a bien exécuté le tour souhaité».
Enoncé plus froidement, cela signifie que les dauphins sont formatés pour obéir grâce à la nourriture.

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Sea World poursuit: «Il est important que l’animal sache immédiatement qu’il vient d’exécuter le comportement attendu. Un délai de quelques secondes, même accidentellement, peut renforcer un comportement indésirable».

Lors d’un show, vous avez certainement remarqué que le dresseur souffle à intervalles dans son sifflet. C’est le signal immédiat adressé au dauphin pour lui faire savoir que le tour a été fait correctement. Quelques minutes plus tard, celui-ci recevra un poisson de la main de son maître, parfois accompagné d’une caresse sur le rostre.
Lorsque le dauphin n’effectue pas – ou effectue mal – le tour réclamé, vous n’entendrez aucun coup de sifflet.
Et le dauphin restera sur sa faim…

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Le poisson est enrichi de vitamines et de médicaments

L’industrie de la captivité qualifie cette méthode d’entraînement positif.
Du point de vue du dauphin, cependant, il s’agit simplement de privation de nourriture. Sans cesse, les dresseurs affirment au public que leur relation avec les dauphins est fondée sur la coopération et la compréhension mutuelle, comme s’ils formaient avec leurs captifs une grande famille heureuse. Le delphinarium suédois ne dit pas autre chose : "La communication fonctionne dans les deux sens ! Nous nous comprenons si bien les uns les autres !»"

Faire passer le contrôle alimentaire pour de la "communication" constitue, on s’en doute, un élément essentiel du spectacle de dauphins en captivité. Les tours qu’on apprend aux dauphins sous la contrainte sont d’ailleurs conçus pour rendre encore plus convaincante cette illusion de camaraderie.

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En voici quelques exemples. 
Quand les dauphins "marchent" sur leur caudale et "jouent" au basket-ball, les spectateurs interprètent forcément ces comportements comme l’expression d’une bonne humeur joyeuse et ludique.
Quand les dauphins "font un bisou" à leurs dresseurs, lorsqu’ils applaudissent à leurs propres performances en battant des nageoires, lorsqu’ils hochent la tête avec empressement quand le dresseur lance dans le micro «Alors, les amis, est-ce qu’on s’amuse ?", tout cela ajoute évidemment des caractéristiques très humaines aux dauphins. Cela fait croire au public de manière fallacieuse qu’il existe bel et bien un langage commun entre les dauphins et leurs soigneurs.
Pour les dauphins mis en scène, bien sûr, ces comportements appris n’ont pas d’autre finalité que celle de recevoir un poisson.
Dès lors, maintenir les captifs dans un état de faim lancinante ne peut que les amener à exécuter plus et mieux les tours exigés d’eux !

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Souvent, les dresseurs déclarent avec fierté que "leurs dauphins apprennent très vite".
Ce qu’ils veulent dire vraiment, c’est que celui qui tient le seau de poissons détient un pouvoir énorme sur ses captifs. Un dauphin affamé fera presque n’importe quoi pour se nourrir.
Et comme un dresseur cubain l’a carrément admis lors d’une entrevue secrète:
"Si les dauphins n’ont pas faim, vous pouvez abandonner tout espoir qu’ils sautent jamais pour vous !"

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Dauphins cubains à Varadero

Note : L’obéissance par la faim est une méthode qui s’applique également aux humains. Il s’agit même du principal moyen de pression utilisé dans les camps de prisonniers, tout particulièrement dans les«laogai» chinois.
Par ailleurs, Helene O’Barry ne s’intéresse ici qu’à une seule méthode, celle du "renforcement positif par la faim". Pour remettre un dauphin dans le droit chemin et le forcer à obéir, il existe des approches plus coercitives. L’isolement figure au premier rang (Tilikum a été laissé au cachot pendant 13 mois après avoir commis son "crime") et constitue une véritable torture pour un être aussi profondément social que le cétacé.

Les coups sont même parfois utilisés. En 2000, Simon Ede, dresseur du Gardaland en Italie, a fait l’objet d’une enquête judiciaire pour maltraitance. La delphine Violetta est morte l’échine brisée et le dauphin mâle Roméo n’a pas supporté l’isolement total auquel il avait été soumis plus d’un mois par Simon Ede. L’histoire ne dit pas s’il exerce toujours…

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Tilikum en isolation